Le 21ème siècle voit la remise en question d’un nombre important de solutions de construction sous l’angle de la durabilité et plus particulièrement de la raréfaction des matériaux et de l’énergie. Dans ce contexte il semble qu’un certain nombre de savoir-faire ayant fait leurs preuves durant des siècles voir des milliers d’années ont été un peu rapidement mis à l’écart par un courant de modernité orgueilleuse.
La terre crue fait clairement partie des matériaux de construction oubliés au 20ème siècle. Les exemples qui nous sont donnés à voir quotidiennement prouve néanmoins sa valeur constructive, esthétique et humaine. La terre est un matériau fertile sous tous rapports. Une formation récemment organisé par la société Terrabloc basée en Suisse romande à été l’occasion de s’en convaincre. Cet article a pour objectif de partager les différents aspects mis en lumière lors de cette journée.
L’histoire de la terre crue
Historiquement la terre crue constitue, avec le bois et autres fibres végétales, les premiers moyens mis en œuvre par l’homme pour la construction de son habitat. Ces matériaux restent par ailleurs plébiscités à tel point qu’un tiers de la population mondiale actuelle habite dans un bâtiment en terre crue.
Le continent africain, l’Amérique du Sud et l’Asie où de très nombreux tronçons de la muraille de Chine sont bâtis en terre crue sont là pour le prouver. Beaucoup plus proche de nous on compte en France un million de logements construits en terre - soit 15% du patrimoine métropolitain.
Si le matériau de base est sensiblement le même autour du globe, ses mises en œuvre historiques ont été adaptées aux spécificités locales. Comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessous les approches sont très variables en fonction des types de terres, des matériaux organiques complémentaires trouvé dans la région et conditions climatiques rencontrées.
Applications / atouts
Comme nous venons de le voir, la terre offre une multitude de mises en œuvre différentes. Les deux principales ayant un intérêt aujourd’hui sont le pisé et les briques en terre comprimée.
Nous n’entrerons pas dans les détails du pisé dans cet article mais il faut savoir que cette technique consiste à construire des murs pouvant être porteurs en coffrant et compactant par couches successives un mélange de terre à peine humide.
Passons donc aux briques de terre comprimée (BTC). Ces dernières peuvent prendre différents formats allant de la plaque de galandage de 8cm d’épaisseur comparable aux plaques d’Alba[GG2] aux éléments de construction de murs porteurs de 30cm d’épaisseur en passant par des briques s’apparentant aux dimensions de leurs concurrentes en terre cuite.
Les atouts
Les atouts de ces produits sont nombreux mais les principaux sont les suivants :
- Le faible impact environnemental
C’est un matériau brut qui ne nécessite que peu de transformations et qui est abondamment disponible localement. L’énergie grise est donc très faible. - L’économie de matériaux et de transport
Si la terre d’excavation du site est employée, l’énergie due au transport est nulle. Ceci permet de résoudre le problème du déplacement de terre d’excavation et de son stockage en décharge. - La régulation hygrométrique et l’inertie thermique.
La terre a la capacité d’absorber l’humidité en excès dans l’air ambiant puis de la restituer lorsque l’air de la pièce est plus sec. Cela contribue à un climat intérieur particulièrement sain et respirant.
La masse importante de la terre lui permet d’accumuler de la chaleur en journée dans les doublages intérieurs pour la restituer la nuit. Cette qualité en fait un matériau très complémentaire au bois dans la construction de bâtiments passifs. En effet les qualités de la construction bois ne sont plus à démontrer mais la faible inertie thermique du bois doit être compensée par l’ajout de masse lors des travaux de second œuvre intérieurs. - Une matière saine et recyclable
Par l’absence d’adjuvants synthétiques les briques en terre crue contribuent à la santé de la main d’œuvre de construction autant qu’à celle des habitants. Par ailleurs, en fin de vie les briques pourront retourner dans la filière de production de nouvelles briques ou simplement la nature.
La fabrication
On a vu dans les atouts de la terre, son faible impact sur l’environnement lié aux possibilités de produire localement. Il est aussi intéressant de noter que l’outil de production lui-même est durable car déjà existant. En effet il est possible de produire des brique BTC dans la plupart des usines produisant aujourd’hui des produits en ciment. L’exemple de Terrabloc produisant au travers des usines Cornaz à Allaman (VD) et Sebastian Müller à Rickenbach (LU) l’illustre bien.
Dans le contexte de chantiers participatifs ou lorsqu’une forte intensité humaine est souhaitée, il est aussi possible de fabriquer des briques à l’aide d’une presse à main pendant que d’autres ressources tamisent la terre à la main.
La mise en œuvre
Le chapitre de la mise en œuvre est relativement succinct tant l’utilisation des BTC se rapproche du parpaing et de la terre cuite. Lors de la conception on doit en revanche être attentif à certains détails propres à la terre. On notera dans les plus importants une vigilance accrue aux questions d’humidité. En effet la terre crue supporte bien l’exposition à la pluie lorsqu’elle est utilisée en façade extérieure mais ne doit en revanche pas se trouver en contact prolongé avec l’eau. Il faut également tenir compte de certains facteurs de dilatation et d’élancement lors de construction de grandes surfaces monolithiques.
À l’avenir
La construction durable et plus directement la terre crue sont en plein essor et l’avenir va apporter nombre de nouveaux développements dans cette filière. On voit par exemple naitre en parallèle de la terre compressée une démarche de production de nouvelle briques alvéolaires en terre extrudée. À l’instar des BTC ces dernières peuvent emprunter l’outil de production des briques alvéolaire cuites pour leur fabrication.
La renaissance de terre coffrée comme le pisé en est également à ses balbutiements mais un certain nombre de projets prometteurs tels que le dernier bâtiment de stockage de la société Ricola réalisé par Herzog & de Meuron l’atteste.
Cet article reste donc très superficiel tant le monde de la terre est vaste mais vous avez notamment la possibilité de trouver plus d’informations sur le site de la société Terrabloc.
Par ailleurs notre atelier travaille actuellement sur plusieurs projets faisant appel à la terre crue et nous ne manquerons pas de partager avec vous ces réalisations dans les mois à venir.