L’architecture des 70’s au pieds du mur énergétique
La résidence pour étudiants du Cazard, située dans un quartier populaire proche de la Riponne à Lausanne est un cas d’école particulièrement intéressant. Il nous offre une situation parfaite pour mettre en place une vraie stratégie de rénovation sobre et intelligente pour une catégorie de bâtiment très représentée dans nos villes.
Le bâtiment abrite 80 chambres d’étudiants, une salle de spectacle d’une jauge de 200 personnes et de multiples salles de conférences. Fondée au début des années 70 dans le but d’accueillir en ville les étudiants issus des campagnes vaudoises, la fondation du Cazard poursuit aujourd’hui sa vocation hospitalière et culturelle.
Conçue et érigée juste avant le premier choc pétrolier de 1973, l’architecture de ce bâtiment fait la part belle à la liberté créative de l’architecte et à l’insouciance énergétique qui prévalait alors. Les toits, façades ainsi que les éléments techniques de production de chaleur et de ventilation arrivant au terme de leur cycle de vie, notre atelier a été chargé de projeter le vénérable édifice dans le XXIème siècle.
Au menu des travaux à entreprendre
- Désamiantage et isolation périphérique des façades
- Isolation et étanchéisation des terrasses et toitures
- Remplacement de l’ensemble des infrastructures de chauffage et de ventilation
L’objectif est de mettre en œuvre les moyens techniques les plus efficaces énergétiquement en faisant appel aux matériaux et mises en œuvre offrant les meilleurs facteurs de durabilité. Données non négligeables, l’immeuble se trouve dans un environnement de haute densité bâtie et le cadre financier du projet est fixé de manière extrêmement rationnelle.
À une première phase d’évaluation technique de l’existant a succédé une phase de conception architecturale. Accompagnés par des ingénieurs chauffage-ventilation et façades nous aboutissons aujourd’hui à un projet tangible répondant au cahier des charges du maitre d’ouvrage.
Nous allons vous présenter dans la suite de cet article les principaux axes de transformation permettant à ce bâtiment d’il y a 50 ans de se repositionner de manière contemporaine et au plus hauts des standards énergétiques actuels.
Les façades
Les façades aujourd’hui en face décrochées sont recouvertes de plaques d’Eternit amiantée et ne comportent pour ainsi dire aucune isolation. La configuration de ces dernières et l’intégration des fenêtres n’offrent aucune possibilité d’isolation périphérique selon les déliés existants.
Forts de ce premier constat nous avons choisi de retirer l’ensemble de l’Eternit et d’habiller l’immeuble d’une nouvelle peau sous la forme d’une façade rideau. Cette dernière est « tendue » sur l’extérieur des angles actuellement saillants de la silhouette. Dans un souci aussi bien économique que de durabilité, la structure est constituée d’éléments porteurs bois et d’isolation majoritairement organique. Outre l’effet de puits carbone, le bois et les laines organiques offrent un déphasage thermique largement supérieur aux matériaux synthétiques et minéraux. Le confort en période estivale en est donc significativement amélioré.
Le revêtement extérieur est encore en discussion mais s’oriente vers l’Eternit nouvelle génération pour ses caractéristiques et sa mise en œuvre particulièrement adaptées à notre situation. L’Eternit présente également l’avantage d’être produite de manière très écologique à moins de 50km du chantier.
Le dernier élément concernant l’aspect extérieur du projet est la végétalisation. Le récent passage du quartier en zone piétonne et l’arborisation qui l’a accompagné nous ont décidés à tenter l’installation de végétaux en façade. La mise en œuvre est encore à l’étude mais le principe est de faire circuler des lianes le long de câbles tendus verticalement entre les bandeaux de fenêtres.
Les toitures
Les toitures plates de la cour intérieure et de la toiture sont en mauvais état. Les matériaux de parement sont partiellement cassés et l’étanchéité commence à laisser filtrer l’eau lors d’orages importants. Ces toitures seront donc entièrement mises à nu, isolées et étanchéisées. Un nouveau dallage sera installé dans la cour et la finition de la toiture plate supérieure reste à déterminer en fonction des équipements techniques qu’elle recevra.
La toiture bi-pan aujourd’hui recouverte de tuiles sera mise à nu. Une isolation à base de fibres de bois compressées sera installée sur la charpente existante et finalement habillée de panneaux photovoltaïques en pause intégrée. Cette solution permettra de s’affranchir de tout un tuilage.
Le chauffage et la ventilation
Le bâtiment est actuellement chauffé par une chaudière à mazout de 1995, développant une puissance de 435 kW. La distribution de chaleur se fait via des radiateurs haute température sans vannes thermostatiques et alimentés en série. Cette technique de chauffage, très simple et répandue durant les années 70, rend très complexe l’équilibrage des réseaux et la bonne répartition de la chaleur dans les différents locaux.
Côté ventilation, les installations existantes sont nombreuses et de type à double-flux sans récupération de chaleur. Ces installations sont en fin de vie et ont un rendement énergétique extrêmement mauvais étant donné qu’elles ne disposent pas d’une installation de récupération de la chaleur.
Fort de ces équipements et de la quasi-absence d’isolation, le bâtiment consomme 520’00kWh/an et se situe en classe énergétique G.
Dans le cadre du renouvellement des installations le choix d’une pompe à chaleur air eau installée en toiture a été faite. Cette dernière sera couplée aux 170m2 de la centrale photovoltaïque installée en toiture. L’ensemble de la distribution de chaleur va être refaite et circulera entre la façade actuelle et la nouvelle peau du bâtiment. De nouveaux convecteurs équipés de vannes thermostatiques seront également installés dans l’ensemble des locaux.
En ce qui concerne les installations de ventilation, ces dernières seront entièrement renouvelées et remplacées par des systèmes de récupération de chaleur.
Les miracles sont possibles
Compte tenu de l’ensemble des interventions techniques et de l’isolation complète du bâtiment, ce dernier va gagner cinq paliers pour atteindre la classe énergétique B !
Il est donc intéressant de constater qu’il est aujourd’hui possible d’opérer des transformations extrêmement efficaces tant d’un point de vue énergétique qu’au niveau du confort des habitants sur des infrastructures construites aux antipodes des considérations actuelles.
L’autre point très intéressant financièrement est qu’au-delà des importantes économies d’énergie promises, les travaux vont pouvoir s’effectuer en maintenant une grande partie de l’activité de la fondation, maintenant ainsi ses rentrées financières.
