Contexte et environnement
Plusieurs facteurs se cumulent pour favoriser cette réémergence du bois.
Tout d’abord il faut savoir que le béton est fait de sable, de ciment et d’acier d’armature.
Si l’on commence par le sable, le risque de pénurie de ce dernier est au plus haut et bien plus important notamment que les terres rares et autres métaux. Pour étayer le propos, 4 ans de construction chinoise au rythme actuel consomment autant de sable que le dernier siècle de construction aux États-Unis et 75% à 90% des plages du monde reculent en raison de l’extraction marine du sable.
Passons au ciment. Il est produit par la cuisson à 1450° d’un mélange de calcaire, d’argile et de sable. Inutile donc de préciser les coûts en énergie et le dégagement de CO2 de cette matière.
L’acier surfe lui entre pénurie de matière première et production problématique tant environnement parlant que du point de vue du coût énergétique.
Sachant que le domaine du bâtiment (construction et exploitation cumulées) représente un quart des émissions mondiales de CO2 il est aujourd’hui capital que les architectes prennent leurs responsabilités et s’engagent à développer de nouvelles façons de bâtir. C’est là que le bois tire son épingle du jeu. La construction en bois divise par deux le développement de CO2 par rapport à la construction classique, notamment par son effet de puits carbone (captation de CO2 lors de la croissance de l’arbre).
À titre d’exemple le schéma ci-dessous montre la quantité de CO2 produite pour la production d’une poutre en bois, béton ou acier de 7,3m de portée et de résistance égale. Il est à noter que ces chiffres ne tiennent pas compte de la séquestration du carbone par le bois.
Un allié pour notre santé
Soulageant l’environnement, le bois participe déjà à la santé générale de l’écosystème auquel nous appartenons mais il y a bien plus encore. Une récente étude de l’université de Munich recense et valide bon nombre de données sur les avantages d’habiter le bois.
Parmi les plus importants facteurs on note une très nette baisse du trio stress, tension artérielle et rythme cardiaque. Le corolaire de ce qui précède est tout naturellement une amélioration de l’humeur, une stimulation du système immunitaire et une hausse de l’activité cérébrale favorisant créativité et concentration.
La capacité du bois à absorber les quantités excessives d’humidité dans le bâti et à les restituer en période sèche, réduisant de 70% les fluctuations est un autre atout santé du matériau.
Un peu de technique
La disparition du bois en zone urbaine durant les siècles passés et en grande partie due aux grands incendies de villes tels que Londres qui verra disparaitre 10'000 de ses maisons entre le 2 et le 6 septembre 1666.
Aujourd’hui les modes de construction et notre maitrise du feu ont largement progressé et cette crainte n’est plus d’actualité. Elle semble même contre-intuitive. En effet quand on parle avec les ingénieurs on apprend que le bois se comporte beaucoup plus sainement que l’acier en présence du feu. Il conserve ses qualités statiques malgré la chaleur et ne brule pas plus facilement que l’acier – tout est question de section. Pour s’en convaincre, il suffit de voir à quelle vitesse brule la paille de fer. Par ailleurs le développement du feu dans un immeuble en ossature bois est lent et ne dégage que très peu de fumée.
Un changement de réglementation dans le domaine de la construction conjugué au développement de l’usage des bois durs tels que le hêtre permet aujourd’hui la construction d’immeubles 100% bois. Le béton n’est ainsi plus requis pour les cages d’escalier, d’ascenseurs et autres chemins de fuite.
L’ossature bois répond par ailleurs beaucoup mieux que le béton et l’acier aux normes sismiques. Sa souplesse en fait un allié de choix en cas de tremblement de terre.
Un autre aspect généralement contre-intuitif concerne la durabilité du bois dans le temps. Pour autant que sa mise en œuvre soit correcte et j’insiste sur ce point, le bois est plus durable que le béton. Il conserve ses qualités statiques dans le temps et les nombreux bâtiments construits il y a plus de mille ans sont là pour l’attester.
Sans aucunement remettre en question les qualités statiques du béton souvent très utiles pour les parties enterrées des bâtiments bois, il dernier n’est pas éternel. De nombreux ouvrages d’art proches de nous sont là pour nous le rappeler par leur triste mine.
Le dernier avantage technique plaidant pour le bois et dont nous parlerons dans cet article concerne son comportement aux grandes chaleurs. En raison d’une faible inertie thermique et d’un déphasage long, les bâtiments en bois n’accumulent pas la chaleur en été et ne la laissent que difficilement pénétrer. Il y fait donc frais et ils luttent efficacement contre les ilots de chaleur.
En pratique
À titre d’illustration des qualités décrites plus haut, la ville de Brumunddal en Norvège vient de voir pousser la plus haute tour 100% bois du monde et d’une hauteur de 85m. Pour l’anecdote et selon l’architecte, du sommet de la tour il est possible de voir la forêt d’où provient le bois. Le prochain record est déjà à l’agenda et concernera une tour de 100m à Winterthur.
Combien ça coûte
Sous l’angle financier, architectes et promoteurs s’accordent sur le fait que, pour autant qu’un projet soit développé dès son lancement pour la construction bois, son budget de construction sera concurrentiel avec son équivalent classique.
Le temps de construction, généralement plus court pour le bois en raison des possibilités de préfabrication importantes, est un autre bras de levier financier.
L’intérêt croissant des investisseurs pour le bois est également motivé par le fait que cette typologie de bien immobilier prenne plus de valeur que les biens conventionnels et ceci plus rapidement.
Touchons du bois
De nombreux indicateurs tendent à prouver que l’avenir du bois dans la construction est au vert ;)
On constate par exemple une demande croissante des utilisateurs, qu’ils soient privés, professionnels ou institutionnels. Le canton de Vaud qui plébiscite le bois pour ses nouvelles constructions a même constitué une task force en charge de la planification de la matière première dans ses forêts.
Interrogé récemment, un porte-parole du groupe de construction Losinger-Marazzi a annoncé un objectif de 30% de construction bois à horizon 2030.
Ces velléités de construire l’avenir à grand renfort de bois local pourraient inquiéter mais Lignum, la faitière de l’économie du bois, nous informe que chaque année la forêt suisse produit 11'000'000 m3 de bois propre à la construction, que 10'000'000 m3 peuvent être facilement extraits et qu’aujourd’hui seuls 4'000'000 m3 sont exploités. Autre chiffre éclairant sur le dynamisme de nos forêts : chaque seconde la forêt suisse s’étend de 1,5m2.
Le grand défi de la filière dans la poursuite de son développement concerne finalement ses ressources humaines tant on constate que le nombre d’ingénieurs, architectes ou professionnels spécialisés peinent à suivre la demande. Gageons que nos écoles, qu’elles soient professionnelles, d’ingénieur ou EPF ont vu tourner le vent à temps.